Sur la carte de 1855 levée par M. de La Roche Poncié, la presqu’île de Kéroman n’est qu’une lande cernée de marais et vasières. Un village de quelques maisons y figure néanmoins déjà. La superficie de la presqu’île ne dépasse pas cinq hectares (20 hectares aujourd’hui). Sur la presqu’île voisine de la Perrière, on remarque un phare, un moulin, quelques maisons et une carrière.
- Carte levée par M. de La Roche Poncié en 1855.
En 1860, les bains de mer Goubin s’installent près de la Perrière. On y loue des caleçons pour hommes et des costumes pour femmes. La sécurité est déjà assurée par des maîtres nageurs. Des cabines et une buvette s’y implantent. Les bains Bois se trouvaient approximativement à l’emplacement de l’entrée d’aujourd’hui du port de pêche.
L’ambiance de la grève du Kéroman de l’époque a été remarquablement restituée par Caroline Espinet sur un tableau peint en 1879.
À la fin du XIXe siècle, le site accuse plusieurs indices d’activités :
- à Kéroman même, une huîtrière, le château de Kéroman ;
- vers Kermélo une briqueterie ;
- à la Perrière un grand café pompeusement dénommé Casino, un parc à huîtres, une poudrière.
- Le château de Kéroman.
Le château d’origine datait du XIIe siècle, il n’en subsistait qu’une tour carrée.
Datant du XVIIe siècle, le manoir, construit au même emplacement était dominé par une tour coiffée d’un toit en carène. Au début du XIXe siècle, la propriété de Kéroman appartient à la famille Hello d’où est issu le philosophe et polémiste catholique Ernest Hello. Il meurt en 1885 sans enfants. Les terres furent cédées et le château servit de résidence aux différents directeurs du port de pêche jusqu’à ce qu’il soit rasé après la guerre car très endommagé par les bombardements.
- Le Ter à l’époque du château.
Le port de commerce de l’avant-port a été inauguré en 1865.
En 1900, une terrible crise sardinière secoue de nombreux ports bretons. Certains ne s’en relèveront pas. Paradoxalement, cette crise sera le point de départ de l’essor de Lorient car elle coïncide avec les débuts du chalutage à vapeur qui connaîtra une expansion rapide et imposera sa marque au port de Lorient.
En 1900, L’Éclaireur, premier chalutier moderne à vapeur, arrive de Newcastle, suivi en 1901 du Lorientais. Émile Marcesche fonde la Compagnie Lorientaise de Chalutage à vapeur qui compte sept navires. Ils sont 16 en 1914, 55 en 1927 et 82 en 1931.
À cette époque, Kéroman est encore « le bout du monde », le dernier arrêt du bus menant à la Perrière. La grève avec son « Casino », ses bains Bois, ses régates, est le rendez-vous des promeneurs du dimanche. Parmi ceux-ci, Henry Verrière, ingénieur des Ponts et Chaussées, rêve d’un bon mouillage pour ces chalutiers modernes qui, à marée basse, s’échouent dans l’avant-port.
Vers 1910, différents hommes politiques : Fernand Buisson, Louis Nail, Alphonse Rio, estiment que la France doit disposer d’un grand port de pêche moderne afin de faire face à la concurrence étrangère.
Un ambitieux projet est élaboré alors par Henry Verrière comportant le grand bassin, le bassin long, le slipway, le grand frigorifique, le quai de 100 mètres fermant le grand bassin, les criées, les magasins des mareyeurs et une voie ferrée desservant la Perrière et Kéroman.
Les travaux durent plus de dix ans. Le coût estimé en francs d’aujourd’hui avoisine 250 millions de francs. Le frigorifique est mis en service en 1922 ; la construction du slipway commence en 1928.
L’objectif est d’exercer toutes sortes de pêches. Le port de pêche de Lorient Kéroman est inauguré en 1927. Le siège social du port de pêche de Lorient est aux pieds de la Tour Eiffel.
À peine né, le port de Kéroman est confronté à la grande crise des années trente provoquée par l’épuisement des fonds de pêche traditionnels (déjà) dû à leur surexploitation, le vieillissement de la flotte et la chute des prix. Les grands armements se restructurent, le redressement devient effectif en 1935.
Dans les esprits de l’époque, le port de pêche tel qu’il existe aujourd’hui n’est que la première tranche d’un plus vaste projet.
L’extension du port de pêche est prévue sur la presqu’île de Kéroman. Elle doit comporter un institut océanographique, de nouveaux quais sur le Ter, un bassin de taille comparable au grand bassin, des usines de transformation du poisson. Henry Verrière imagine à terme un port de commerce du poisson frais plus vaste que celui de Grimsby en Angleterre, alors le premier du monde.
De nombreux projets avortés existaient pour l’agrandissement du port de pêche.
- Projet du port de pêche de Kéroman.
- Projet de 1907.
Cependant, la guerre de 1939-1945 modifie tous ces projets.